LE PETIT BERGER ou l’intégration perpétuelle

ADA A.

Un matin, par la petite fenêtre de la chambre où je dormais avec mes frères, j’ai vu un vélo noir. Il était posé contre le mur de notre maison. Dans l’autre pièce située à côté de ma chambre, j’entendais une voix inconnue. Un visiteur étranger discutait avec mes parents. Je n’entendais que lui. Il parlait fort. C’était le marabout. Chez nous, au Niger, le marabout n’est pas un magicien, ni un sorcier mais un maître coranique. On le respecte beaucoup.

C’est comme ça que l’aventure a commencé. J’avais six ans. Ce vélo a servi à m’éloigner de ma famille, de mon village. L’enfant sur le vélo, c’est moi qu’on a ligoté pour ne pas que je m’échappe. Cela se passe comme ça dans mon pays. Les parents trop pauvres pour payer l’école, confient aux marabouts leurs enfants et espèrent ainsi leur donner l’instruction. Ils offrent, souvent sans le savoir, leurs enfants à des exploiteurs. Quelques-uns seulement recevront l’instruction. Les autres sont destinés au travail. Cette situation est due au fait que l’État ne se charge pas de l’éducation de sa jeunesse. Les hommes politiques viennent dans les villages faire des promesses au moment des élections et ensuite, on ne les voit plus.

Quotidiennes - novembre 2021
205 x 210 - 144 p. 18 €
9782872672363

4e de couv | 99 | La revue Aide-mémoire