Cyrille Sironval, L’Engagement
Michel Voiturier
Publié le 3 juin 2014
Cyrille Sironval, L’Engagement, Cuesmes, Le Cerisier, coll. Place publique, 2014, 190 p (14€)
Sironval est un citoyen inhabituel. Né en 1922, il fut, tour à tour et souvent simultanément, résistant distribuant le journal clandestin Liberté entre Liège et Verviers, militant communiste, professeur de biologie végétale à l’ULg, membre de la Classe des Sciences de l’Académie royale de Belgique, fiché par la Sûreté de l’État pour son activisme social. Deux permanents de la FGTB verviétoise, Daniel Richard et Thierry Sacré, l’ont décidé à sortir de la modestie de son anonymat pour témoigner de ce qui l’a animé depuis son adolescence.
La première partie de son livre, Sironval la consacre à expliquer, à la lumière du marxisme, l’évolution socio-économique de notre pays en général et de la région verviétoise en particulier depuis la révolution française de 1789. Il souligne de quelle façon a progressé et a été réprimée chaque « tentative de substituer l’ordre prolétarien à l’ordre bourgeois ».
Il passe en revue les étapes historiques soit locales en lien avec l’industrie textile de sa région natale, soit internationales depuis l’impact économique du blocus napoléonien des produits anglais à la guerre d’Espagne de 1936 précédée de la fondation du P.C.B. en 1921. Ceci en passant par la parution du manifeste du parti communiste en 1847, les massacres de la Commune en 1870, l’exploitation du Congo dès 1885, les diverses Internationales, la révolution russe de 1917.
Cette vision est intéressante parce qu’elle éclaire à sa façon bien des manœuvres politiques qui ont façonné le monde tel qu’il est aujourd’hui. La façon dont se sont construites et défaites les alliances durant la seconde guerre mondiale est particulièrement significative. Ainsi, la passivité européenne face à la montée du nazisme trouve sa raison dans le fait que les régimes capitalistes étaient convaincus qu’Hitler avait pour objectif principal de s’emparer de la Russie soviétique, donc de liquider le danger d’expansion du communisme dans les autres pays.
La seconde partie du livre s’attache plus particulièrement au travail militant de Sironval jusqu’à la fin de la guerre. L’auteur, ne se répartissant jamais de son esprit scientifique, pratique une écriture froide, objective, distanciée. Aucun pathos, aucun sentimentalisme dans les faits qu’il raconte en évitant de s’abandonner à des anecdotes. On lui appliquera volontiers cette remarque qu’il formule à l’égard d’un de ses chefs de réseau clandestin : « il commente – pas de bavardage ». Il ne tente donc jamais d’émouvoir, de s’épandre sur son passage incongru dans un camp de jeunesse hitlérienne quand ses parents l’envoient en Allemagne perfectionner son allemand avant la guerre, de dramatiser la torture ou les passages de prison en prison, de glorifier une conduite qu’il se refuse sans aucun doute d’entendre qualifier d’héroïque.
La dernière partie de ce témoignage décrypte le monde actuel, celui qui a rassemblé l’Europe. Ce grand espace commercial où « la concurrence que les produits fabriqués ont à livrer sur les marchés pour être vendus exige d’abaisser les prix, et la différence, ce sont les salariés et non les patrons qui la débourseront ». Notre essayiste va donc démontrer, de manière didactique et quelquefois répétitive, par quels processus, petit à petit, nous en sommes aujourd’hui parvenus à la dictature du capital sur les états, et ce avec la complicité d’élus tels que feu Paul Vanden Boeynants ou Jean-Luc Dehaene par exemple. Il est en tout cas persuadé de « l’utilité de la connaissance du passé pour baliser ce que pourrait être l’avenir ». Ce qui, finalement, plutôt que d’être une autobiographie, est l’objectif véritable de ce livre de réflexion.
http://areaw.org/cyrille-sironval-lengagement/
SOURCE : AREAW Association Royale des Ecrivains et Artistes de Wallonie
Peuple élu, peuple révolu(sion !)
Par Michel VOITURIER
Publié le 27 mai 2014
Un monologue qui aurait pu s’intituler « J’ai été Ariel Sharon… ». Et qui remet en place la façon dont la politique est gérée au Moyen Orient.
L’ex-premier ministre d’Israël (1928-2014), plongé dans un coma artificiel durant 8 ans après une attaque cérébrale aurait eu, en effet, tout le temps de soliloquer durant cette période. C’est sur cette hypothèse qu’Arslane Klioua est parti pour écrire sa fiction.
Cela commence bien entendu par l’entre-deux, ce « tunnel » où vie et mort sont à mi-chemin l’une de l’autre. Voyant défiler l’histoire d’Israël, Sharon se rend compte soudain que lui et les siens ont toujours refusé de considérer comme une évidence qu’il ne fallait pas « refuser tout droit à l’existence aux créatures qui l’environnent ».
Cette révélation lui donne une explication à la persécution dont son peuple fut la victime au XXe siècle. Puisque beaucoup de juifs, dès les années 1900, ont été « les fers de lance de l’égalitarisme et de l’internationalisme, les thuriféraires et les prophètes de l’idée communiste » et qu’ils constituaient en quelque sorte « les tenants et les aboutissants ingénieusement destructeurs de toutes les frontières quelles qu’elles soient », l’Europe voulut contrarier cette idéologie subversive et profita tacitement de la doctrine nazie pour laisser le problème se résoudre via une persécution radicale.
Après 1945, il constate que, atteints d’une « cécité vengeresse », les juifs se sont « vengés sur des innocents », comme si « la Shoah nous avait légitimement octroyé une espèce d’immunité absolue et intemporelle ». Il rappelle que les Arabes sont les descendants, comme eux, de Sem, fils de Noé et qu’ils sont donc aussi sémites. Qu’une part des croyances et des pratiques de ces « cousins » sont similaires aux leurs. Ce qui remet en question la notion d’antisémitisme. Et permet d’aboutir à cette conclusion : « Palestiniens, Arabes, musulmans, vous méritez là-bas tellement mieux ».
L’auteur rejoint un homme de théâtre, René Kalisky, qui, en 1979 déjà, écrivait dans L’Impossible royaume : « Ainsi le sionisme m’a contaminé. On me manipule, qu’on le veuille ou non. Je suis victime d’une conspiration historique, politique, idéologique. Mais à la différence de tant de juifs, je refuse de me résigner. Ce sionisme-là est une déviation, il est le crépuscule de l’universalisme juif ».
Klioua, lui, est docteur en science politique de l’université de Lyon. Son bref brûlot mériterait de trouver un metteur en scène et un interprète capables de le porter au public. Sans doute en l’adaptant à l’oralité car cette parole est parfois alourdie par une tendance récurrente à abuser des adverbes de manière.
http://www.ruedutheatre.eu/article/2602/peuple-elu-peuple-revolu-sion/
Source : www.ruedutheatre.eu
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Paru dans le magazine C4 N° 219 (Hiver 2013)
LIBERTÉ -ALGÉRIE
“ALLEZ DONC DIRE AU SILENCE D’ÊTRE MOINS VIOLENT !” DE ABDELATIF BOUNAB
Dire l’Algérie par la métaphore
Rubrique Culturelle
Les éditions du Cerisier à Mons (Belgique) viennent de publier, dans leur collection “Théâtre-Action”, une pièce de Abdelatif Bounab, dramaturge, metteur en scène et poète algérien.
Il est l’un des membres fondateurs et l’auteur principal de Debza, une troupe engagée créée en 1979 par un groupe d’étudiants d’Alger. Elle dérive de l’association Action culturelle des travailleurs, du dramaturge Kateb Yacine, tout en étant l’un des porte-parole de la revendication culturelle et de la liberté d’expression des années 1980.
Le projet de mise en livre de la pièce de théâtre de Bounab est l’œuvre d’Imane Kara, une étudiante de la première promotion du master Les métiers du livre : édition et diffusion de l’écrit de l’université d’Alger II, dont il est le mémoire de fin d’études. Les éditions du Cerisier, nées de la volonté du Théâtre des rues de laisser une trace en prolongeant par l’écrit le texte théâtral lorsque les représentations prennent fin, lui ont ouvert les portes. “Allez donc dire au silence d’être moins violent !” est une pièce de théâtre qui a initialement été écrite en arabe dialectal pour être jouée dans cette langue. Elle a été ensuite traduite en français. La pièce met en scène quatre frères (Mokhtar, Malik, Messaoud et Moufid), qui sont dans une des pièces de la maison familiale à attendre la mort de leur père qui agonise dans sa chambre.
C’est avec impatience qu’ils attendent qu’il meurt, non pas pour le pleurer, mais pour prendre chacun la part de ce qui lui revient de l’héritage du père.
Le sixième personnage est “La muette”, la sœur non douée de parole et dont tous cherchent à sceller le sort sans prendre son avis ou recueillir son opinion, ce qui représente l’Algérie.
Derrière cette métaphore de la famille, l’auteur traite des sujets sociopolitiques de manière allusive et engagée. Il donne une idée précise des problèmes de l’Algérie d’aujourd’hui, qu’il présente au fur et à mesure à travers l’évolution de l’état de santé du père et la montée en force des conflits qui vont surgir entre eux. Avec beaucoup d’humour et un clin d’œil aux traditions du théâtre de l’absurde et à celles du théâtre amateur algérien, Abdelatif Bounab montre comment, dans le silence, toutes les violences peuvent s’exprimer. Imane Kara, qui a porté ce projet de la première lecture du manuscrit à la sortie du livre, a rassemblé autour du texte de Bounab la toute jeune troupe du département de français de la faculté des langues pour le montage de la pièce.
R. C.
“Allez donc dire au silence d’être moins violent !”, de Abdelatif Bounab. Théâtre. Éditions du Cerisier (Belgique).
8 euros / 400 DA
http://www.cil.be/-Juillet-Aout-Septembre-2014-.html#102
http://edern.be/wordpress/jaccuse/
J’accuse !
Publié par Vincent Engel le 22 octobre 2012
Lettre ouverte aux femmes et hommes politiques, Lucien Putz, Cuesmes : Le Cerisier, 2012. 58 p. 7 €
On le sait, la situation socio-économique est mauvaise et les perspectives sont pour le moins mauvaises. La démocratie est en crise et l’Europe s’enfonce parce qu’elle n’ose pas faire le saut du fédéralisme et de l’abandon des souverainetés nationales. L’Espagne, l’Italie et la Grèce préfigurent ce qui nous attend ; et pourtant, les mêmes recettes continuent à être appliquées, quand on sait qu’elles sont pour le moins peu efficaces.
La colère grandit chez les gens. Vous et moi. Lucien Putz l’exprime à sa manière, forte et poétique, dans cette lettre ouverte qui est avant tout un long cri, aux allures parfois théâtrales, qui énonce, dénonce et propose. On le voit bien sur scène, dans la bouche d’un comédien passionné. En attendant, un petit électrochoc qui ne peut qu’être salutaire – même si le plus dur reste à faire. Et sans perdre de vue que les destinataires de cette lettre, ce sont aussi (et peut-être surtout) vous et moi, dont les politiques ne sont que les représentants.
http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20121003_00213027
http://archives.lesoir.be/une-lettre-ouverte-aux-politiques_t-20120924-023UJ3.html
http://edern.be/wordpress/un-dernier-combat
http://www.lalibre.be/actu/gazette-de-liege/article/696045/dualite-folie-et-nature.html